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dimanche 21 août 2022

Mon cheval s'énerve. Comment faire baisser la pression?

  Le cheval monte très vite en pression. Mais il redescend tout aussi rapidement  si son cavalier sait s’y prendre. Le mieux, c’est de désamorcer la montée le plus tôt possible. 

La tension monte, monte. Il fait le gros dos, tend l’encolure ou, au contraire, s’enroule pour échapper à la main et… soudain, au moindre prétexte, votre cheval explose. Il se cabre, part en coups de cul, fait du rodéo, improvise un demi-tour de la mort ou tout simplement s’échappe au triple au galop. Les raisons sont multiples. Parfois, il panique. Ou bien, il a trop de tension et l’irrésistible besoin de s’exprimer. Il ne se dépense pas assez. Ou encore il fuit un grand danger (vous ?) Qu’il soit sur l’œil ou trop chaud, la situation est tendue et votre sécurité franchement pas assurée. Vous n’avez plus de prise. Il ne vous entend plus. A peine si vous existez encore à ses yeux !

 

Mollir dans les mains, laisser passer le mouvement et sourire pour faire baisser la pression

Pour éviter d’en arriver là, mieux vaut anticiper. Renaud Subra est comportementaliste et s’occupe de chevaux difficiles dans la région bordelaise (Alter Horse). Il a récemment été appelé pour un cheval qui panique. « Pas un cheval méchant, un cheval qui monte en pression quand il se sent coincé, enfermé et qui, dans ce cas, est capable de tout casser, explique-t-il. Il pourrait même se tuer ! » Le voir travailler ce cheval au bord de la crise de nerfs est une leçon de zénitude ! Sa patience semble inaltérable. Sans cesse, il le rassure, le guide, l’encadre. « Il faut prendre conscience de l’anxiété du cheval. Il est comme un élastique. Au fur et à mesure du travail ou des difficultés rencontrées, il se tend, se tend. Il faut agir avant que ça pète ! »

 Plus vite on agit et plus rapidement, le cheval redescend en pression. Il faut donc être aussi alerte qu’un cheval ! Et Renaud Subra de donner les signes qui doivent faire réagir : le dos se tend ou se lève ; l’encolure se raidit ; les poils du poitrail se hérissent ; les mouvements deviennent raides ; le cheval développe plus de force physique pour le même résultat ; il se laisse moins diriger ; son visage se fige, sa bouche durcit, ses yeux deviennent fixes, ses naseaux respirent mais sans mouvement. 

 Une fois que l’on s’est assuré que le cheval n’a pas de problème physique, la solution consiste à lui mettre la tête en bas. « Que cela soit à pied ou monté, à la moindre tension, tête en bas ! Cela le décontracte naturellement et lui permet de retrouver un rythme respiratoire plus lent. De même, respirez lentement, profondément. Cela marche avec tous les chevaux ! » assure Renaud Subra. Respirer nous invite à détendre nos épaules. Notre poids du corps se trouve mieux réparti vers le bas.  Sans forcément en avoir conscience, le cavalier a trop souvent tendance à se raccrocher aux rênes au moindre problème. C’est le contraire qu’il faut faire. « Il faut tout de suite relâcher la bouche et travailler avec ses jambes et son assiette. Apprenez-lui à étendre son dos et baisser la tête. Cela procure au cheval un lâcher prise, une détente très agréable. Très vite, il la recherchera ». Vous pouvez, par exemple, employer le mot « cool » associé à des mains qui montent et qui suivent la bouche (pas des mains qui lâchent tout et abandonnent). « Il faut considérer le cheval comme un animal qui trouve sa dynamique dans le troupeau, explique Renaud Subra. Si lorsqu’il se tend par manque de confiance, vous lui apprenez à se détendre, vous devenez un bon partenaire pour lui. Il va rechercher votre compagnie et se sentir en sécurité à vos côtés ».  

 La tête en bas, c’est la clé ! Auteur d’une méthode d’éducation du cheval sans stress et grâce aux TTouch (effleurements, caresses…), Linda Tellington-Jones insiste sur une des leçons les plus importantes que le cheval doit apprendre : baisser la tête. « C’est une des conditions préalables à la suite du travail, explique-t-elle. En effet, s’il tient la tête levée, notre cheval n’est pas en mesure de réfléchir, ni de se déplacer de manière contrôlée, mais seulement de suivre son instinct qui lui dicte la fuite ». Pour l’américaine, quand le cheval baisse la tête, c’est comme s’il éteignait l’interrupteur instinct de fuite. Il peut alors se calmer, reprendre son souffle et attendre vos instructions. Linda Tellington-Jones propose différentes manières de faire baisser la tête à un cheval. Vous pouvez, par exemple, donner des signaux (légère pression) au niveau de la crinière avec la main droite et au niveau du licol avec la main gauche. 

 En selle, en cas de peur ou d’excitation, surtout ne tendez pas les rênes. Au contraire, détendez-les. Juge international de dressage, Bernard Maurel raconte qu’autrefois, pour faire baisser la pression, les écuyers de Saumur avaient pour consigne de marcher, le temps de fumer une cigarette. L’époque a changé mais le retour au calme par le pas rênes longues est toujours d’actualité ! « La performance est dans la décontraction, poursuit Renaud Subra. Il ne faut jamais rien demander à un cheval tendu. Il faut d’abord qu’il se détende. Cela nous apprend la patience mais le gain est énorme !  Le cheval n’est jamais mis en difficulté. Vous devenez un partenaire idéal. Or, les chevaux sont toujours en recherche de partenaires ».

L'expiration comme décontractant du cheval et du cavalier

 Olivier Pulls, écuyer du Cadre Noir, travaille sur le souffle. « Dès que mon cheval se met en alerte, je souffle. On n’imagine pas l’impact du souffle. Je lui ai appris à faire les transitions descendantes au souffle. Dès que je souffle, il sait que cela veut dire – tranquille, on se pose ! » A l’obstacle, avec un cheval qui monte en pression, Olivier Pulls souffle, comme le fait le grand Ludger Beerbaum. « Mais attention ! Je souffle de façon homéopathique car les chevaux perçoivent tout, précise Olivier Pulls. Une expiration trop forte pourrait les faire s’arrêter ! »

    Prôné par Sally Swift, créatrice de « l’équitation centrée », le regard doux réduit les tensions du cheval comme celle du cavalier. C’est ce que Michel Robert appelle « le regard panoramique ». Il consiste à relâcher son regard et à englober un champ de vision aussi large que possible aussi bien horizontalement que verticalement. « C’est presque une philosophie, explique Sally Swift. C’est une technique pour aiguiser notre perception, pour devenir beaucoup plus conscient de ce qui se passe autour de nous, en dessous de nous, à l’intérieur de nous-mêmes. Le regard doux permet de sentir et d’entendre tout autant que de voir ».  Le résultat ? « Un champ d’action plus vaste ; une perception plus aiguë de votre corps et de celui de votre cheval ; moins de tensions ; un mouvement en avant plus aisé et plus libre ». 

     

En position accroupie, l'humain n'inspire aucune crainte, plutôt de la curiosité

Un travail préalable à la longe ou en liberté dans un rond de longe ou un petit enclos permet de mettre un cheval chaud dans de meilleures conditions de travail. « Ce travail à la longe est à la fois une assurance de sécurité pour le cavalier et de conservation pour le cheval, qui aura ainsi, surtout s’il est jeune, le moral et le physique préservés d’une mise au travail trop brutale, explique l’éthologue Jean-Claude Barrey. Il arrive trop souvent que l’animal jetant un peu brusquement son feu d’écurie, le cavalier se crispe et cherche à garder le contrôle de sa monture en accumulant les oppositions de mains. Il débute ainsi le travail par un manque de cohérence qui désorganise les enchainements appris, crée du désordre et, remplaçant l’impulsion par de l’excitation, ouvre la porte aux défenses, puis à la rétivité ». 

 

Avec un cheval chaud, préparez bien vos demandes. Occupez-le. S’il se soucie d’un bruit ou d’un objet bizarre, ne vous en préoccupez pas. Passez au large comme si de rien n’était, en regardant où vous allez. Petit à petit, rapprochez-vous en regardant loin et en l’occupant (pli à droite, pli à gauche, entrée dans les coins, transitions…) S’il s’énerve, gardez votre calme. Mettez-vous en suspension et restez le plus neutre possible. Dès qu’il s’excite au galop, passez au pas. Faites un maximum de sorties à l’extérieur, en main ou en selle. Tenez compte de l’incroyable capacité du cheval à passer d’un état émotionnel à un autre. Il suffit de l’observer dans les pâtures. Il est calme et paisible, et, soudain, il dresse l’encolure, repère un mouvement suspect et prend la fuite. Il peut aussi juger qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter et retrouver son calme instantanément. Comme quand il est avec vous !

 

 

A lire

« L’équitation centrée » de Sally Swift. Editions Belin

 « La méthode Tellington » par Linda Tellington-Jones et Andrea Nobel. Editions Vigot

« Ethologie et écologies équines » de Jean-Claude Barrey et Christine Lazier. Editions Vigot.

« Le cheval juste » de Bernard Maurel. Editions Belin. 

« En intelligence avec son cheval ». Antoinette Delylle. Editions Vigot. 


Questions à Martine Berguay, créatrice de l’Actors Cheval, réseau des nouveaux rôles du cheval, formatrice et éleveuse de chevaux de loisir dans le Limousin

·      Comment réagir face à un cheval qui trottine tout le temps, se met en nage, ne s’arrête pas, se pointe… ?

·      Il faut se demander pourquoi le cheval est sous pression. Souvent, c’est parce que l’on a fait une erreur. On a été trop vite, trop loin. On a demandé trop longtemps. On n’a pas assez préparé l’exercice. On n’est pas cohérent dans ses demandes. On a été injuste. Ou bien, notre état émotionnel n’est pas stable et perturbe le cheval. Le cavalier doit sans cesse se remettre en question. C’est d’abord notre attitude qui met la pression. Le cavalier est souvent trop gourmand. Le cheval donne, donne et il demande encore ! 

·      On pourra analyser après mais sur le coup, que faire ?

·      Il faut essayer de rester calme et faire comme si on ne voyait pas cette pression. Si on est en selle, on peut le mettre dans un exercice qu’il connaît bien ou dire un mot familier. Il ne faut surtout pas utiliser la force. Il ne faut pas qu’il se batte contre nous mais qu’il s’en remette à quelqu’un de calme et de bienveillant. 

·      Parfois, la pression monte quand on rentre plus loin dans le travail…

·      Lorsque l’on éduque un cheval pour le spectacle par exemple, on est bloqué parce que la pression ne redescend pas. On ne peut plus progresser. Ce n’est plus de l’excitation au travail, c’est du stress. On a trouvé la limite. Il faut alors revenir en arrière. Si le cheval a vraiment trop de pression, il faut le laisser tranquille, arrêter l’exercice, ne plus rien lui demander. 

·      Que faire quand notre cheval s’énerve à cause d’un élément extérieur, des copains qui galopent dans les prés autour par exemple ?

·      Il suffit d’attendre que l’orage passe. C’est une excitation normale surtout si le cheval est jeune. Il ne faut surtout pas se fâcher. 

 

 

10 actions pour un retour au calme

1.     Souriez. Votre cheval sera moins stressé s’il vous sent de bonne humeur. Éclatez de rire. C’est le meilleur moyen de vous relâcher et de montrer à votre cheval qu’il n’a rien à craindre. Vous pouvez aussi chanter !

2.     Caressez son garrot. En selle, c’est un bon moyen de calmer ou de récompenser.

3.     Soufflez ! Cela vous décontracter en même temps que votre cheval. Cherchez à ralentir votre respiration.

4.     Accroupissez-vous si vous travaillez en liberté ou à la longe, Rentrez la tête dans vos épaules ou détournez le regard. 

5.     Faites-lui baisser la tête.

6.     Mettez-le dans une routine, par exemple toujours le même échauffement 

7.     Desserrez la muserolle. Serrée, elle empêche la décontraction de la mâchoire. Évitez les enrênements qui créent des tensions et ne permettent qu’un résultat artificiel.

8.     Enlevez vos éperons qui ne favorisent certainement pas la décontraction. 

9.     Emmenez votre cheval découvrir le monde à pied ou en selle. 

10.  Écoutez vos sensations. Essayez de comprendre ce que ressent le cheval. Guettez le moment où il a besoin d’étirer son dos et son encolure. 

 

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