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lundi 25 avril 2022

Mathieu Noirot : un cavalier en mouvement!

Mathieu Noirot sur Thallium à Lège Cap Ferret

  

 Régulièrement classé en Grand Prix National avec Vista du Grasset et Eldorado du Grasset, les chevaux élevés par son père Bernard, Mathieu Noirot a été mon coach pendant sept années de rêve aux Ecuries de la Flouquette, près de Bordeaux. Je le quitte pour intégrer des écuries plus près de chez moi. Mais toujours, je garderai ses précieux conseils et sa présence amicale. En premier lieu : aller avec mon cheval et ne pas le gêner. J'en profite pour réactualiser le portrait que j'avais rédigé pour Cheval Pratique. 

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« Va avec ! Avec lui ! Suis le mouvement. Accompagne. Pour atteindre un bon niveau et ne pas gêner le cheval, il faut accepter d’aller dans le sens du mouvement. Les coudes, les épaules, les genoux se plient et se déplient pour suivre le cheval.  Si l’on est en retard, on casse le mouvement. Ce n’est plus nous qui suivons le mouvement, c’est lui qui nous rattrape et l’on devient dur ». Le mouvement, c’est l’obsession de Mathieu Noirot. Dans sa vie professionnelle comme dans sa vie sportive, il avance. D’ailleurs, c’est un signe : on ne le voit jamais reculer à cheval. Cet exercice souvent utilisé pour mettre les chevaux sur les hanches ne lui plait pas. « Je n’ai pas envie d’apprendre à un cheval un mouvement contraire à ce que j’attends de lui ».  

A trente-quatre ans, Mathieu Noirot va de l’avant et ne s’arrête jamais. Il vient de mettre son cheval de tête Otello avec lequel il avait fini deuxième du Grand National à la retraite, il refranchit les étapes avec Vista du Grasset, la fille de Centino et le spectaculaire Eldorado du Grasset. Deux  surdoués élevés par son père Bernard avec lesquels il fait des Grands Prix 1,50m. A peine revenu d’un concours à Royan, déjà, il passe le tracteur, va réparer les clôtures électriques, monte ses jeunes chevaux, se plonge dans la comptabilité, s’occupe de ses deux enfants ou fait sauter ses élèves.

Mathieu Noirot dans ses écuries avec Vista du Grasset


Vingt-cinq propriétaires de tous les âges qui font, pour la plupart, du concours de CSO en amateur ou en pro. Mathieu les entraine et les coache en compétition. « Je n’ai pas envie de les faire entrer dans un moule. Je les regarde monter et je cherche ce que l’on peut changer et ce que l’on peut garder. Puis, je donne des conseils par petites touches. Chacun a son sentiment. J’essaie de pousser au plus loin son bon sentiment ». Pour Mathieu Noirot, l’équitation peut se résumer en une équation simple : 50% de technique et 50% de mental. Ensuite, c’est le cheval qui fait le cavalier. « Il arrive que la capacité du cheval limite le cavalier. Il faut en être conscient pour préserver le cheval et ne pas aller à la déception. Quand c’est le cheval qui a un niveau supérieur, il faut améliorer le niveau du cavalier ». Les élèves ont de 18 à 65 ans et pas tous les mêmes objectifs. « Les jeunes cavaliers recherchent la performance. Ils sont plus malléables. Les cavaliers plus âgés ont un autre état d’esprit. Ils sont orientés vers le plaisir et sont plus patients. Pour eux, des petits ressentis deviennent de belles victoires ».

Mathieu Noirot soutient ses élèves en concours


De mars à novembre, les écuries de la Flouquette se déplacent sur les concours de la région. A Lège Cap Ferret, Barbaste, Royan, Mazeray… elles participent de la préparatoire 1,05m au Grand Prix du dimanche après-midi. Mathieu Noirot emmène en moyenne dix-huit chevaux. Il en prend déjà sept dans son camion, plus deux dans un petit camion conduit par Quentin Theas, le cavalier qui le seconde. Les autres viennent en van ou en camion personnel. Une vraie caravane qui se déplace de concours en concours pour deux, trois, voire quatre jours avec la famille, les chiens, les provisions...  « La plupart du temps, je monte moi-même une dizaine de parcours. J’en coache trente ».

Préparer le camion, charger la remorque avec le foin, mettre les protections aux chevaux, puis les embarquer, tracer la route, décharger tout le monde, remplir les seaux d’eau, nourrir, vérifier les couvertures… tout se fait dans le calme, sans geste inutile. Puis, Mathieu fait reconnaitre le parcours aux cavaliers, donne des conseils techniques mais aussi rassure, encourage, gère les échecs… « C’est un sport difficile. Le cheval et le cavalier doivent être prêts au bon moment. La concurrence est rude et les épreuves sont de plus en plus rapides ». Sur le terrain, il en profite pour regarder les chevaux à vendre, toujours en recherche pour lui-même ou pour un client. Ses élèves s’encouragent sur les parcours. Même les petites épreuves ont leur public. Ambiance garantie !

La Flouquette en concours à Barbaste


En concours, Mathieu vit dans son camion aménagé. Sa femme Delphine, cavalière, le rejoint avec Achille et Madeleine. Delphine se classe très souvent en Grand Prix 1,35 m ou 1,40m avec son fidèle Thalium. Comme Mathieu, c’est une compétitrice qui ne vient pas pour se « regarder monter » ou pour « faire un tour de travail ». Mais comme lui, elle va dans le sens du cheval. « C’est ce que j’admire chez Mathieu, dit-elle. Il a toujours le souci de ne pas forcer le cheval. Il l’amène là où il veut aller mais sans le contraindre et sans utiliser d’artifices. Il va progressivement et cherche le moyen de se faire comprendre ».

Il suffit de le regarder monter, lui et ses cavaliers Quentin Theas et Teun Van Osta à la maison. Des mors simples, rarement d’éperon ni de cravache. Beaucoup de feeling dans les doigts et, en préliminaires, une bonne mise en avant. Quand un cheval lui pose souci, Mathieu patiente. « Je ne le prends pas de front. Je poursuis mon idée, je galope. C’est lui qui se fatigue. A un moment, il cède. C’est là qu’on fait le meilleur boulot. La séance d’après, tout va beaucoup plus vite ». Son secret ? Mathieu Noirot laisse fonctionner son cheval et garde la tête froide.  Mathieu ne se fâche jamais, ne se met pas en colère, ne s’énerve pas. Il préfère réfléchir. C’est son père Bernard qui lui a appris. « Je montais le mercredi et le week-end en concours. On ne faisait pas d’exercices. Tout était dans le ressenti et la position. Il n’y avait pas de règles précises si ce n’est ne pas gêner le cheval. On discutait beaucoup. C’est toujours le cas aujourd’hui ». 

Noirot, de père en fils

Céréalier dans le Gers, son père Bernard Noirot a toujours aimé les chevaux. « Mon grand-père m’a offert un premier cheval sans papier. J’ai appris à le monter seul et sans selle. Je ne pouvais pas avoir les deux, une selle et un cheval. Quand j’ai voulu faire du concours, il me fallait un cheval avec des papiers. J’avais douze ans. Mon père m’a confié un demi- hectare en me conseillant de cultiver de l’ail et d’aller le vendre au marché. C’est comme cela que je me suis payé le cheval d’un moniteur qui voulait le mettre à la boucherie ».  Bernard Noirot élève aujourd’hui des chevaux de CSO (élevage du Grasset). Certains ont fait une grande carrière comme Phébus du Grasset qui s’est classé au CSI 5* d’Aix-la-Chapelle sous la selle de Katarina Offel.  Son demi-frère, Otello du Grasset a été le fidèle complice de Mathieu en 1,50. Otello était célèbre pour sa nonchalance au paddock. On l’appelait le grand poney. Mais sur la piste, il était capable de se surpasser. Un chat rapide, souple et puissant. Il est aujourd’hui à la retraite dans une partie du domaine réservé aux vieux chevaux. A douze ans, la grande jument grise, Vista du Grasset prend la relève. Son frère Eldorado suit. Il a démarré sa carrière par quinze parcours, quinze sans faute. La relève se prépare avec d’autres petits du Grasset que Mathieu aime regarder dans les prés. « J’ai beaucoup de plaisir à regarder les chevaux se comporter en troupeau. Cela donne beaucoup d’indications. Dans un groupe de jeunes, on reconnait vite le curieux, le joueur, le timide, le stressé, le confiant… »

Mathieu Noirot, mon top coach!

En concours, Mathieu se compare à un skieur. « On reconnait le parcours avant. Puis, on attaque les obstacles comme s’il s’agissait de portes dans une pente en allant vers eux. On attend et on amortit avec les jambes. On prend le virage à la corde sans casser le mouvement. On glisse tout simplement. Comme le ski, le CSO est un sport d’équilibre et de vitesse ! » Fou de sport, il fait allusion au saut à la perche. « On règle la place de l’appel comme un perchiste. Mais le plus important, c’est l’équilibre et le mouvement ». C’est au pilote automobile qu’il associe la discipline du regard. « Notre regard est très important, d’abord parce qu’il conditionne celui du cheval qui va regarder dans la même direction que nous. Il anticipe la trajectoire que l’on va prendre ». Et de reconnaitre que la capacité de voir ses distances au galop est un talent inné mais qui peut se travailler.  « On parle beaucoup de contrat de foulées. En fait, il faut aborder l’obstacle en situation. Je suis un peu loin, j’augmente mes foulées. J’ai la place parfaite, je ne change rien. Je suis un peu prés, je rétrécis mes foulées ». Comme dans la plupart du sport, l’excellence donne une impression de fluidité, de facilité. C’est ce que recherche Mathieu : faire un parcours propre, coulé. « J’ai envie que cela soit facile pour le cheval ».

Contrairement à certains cavaliers qui font faire une faute à leur cheval juste avant d’entrer en piste pour les faire sauter plus haut, Mathieu ne met jamais ses chevaux en difficulté. « Je crois que moins il touche et moins il a envie de toucher une barre. Le dernier saut au paddock doit ressembler aux sauts en piste ».  Mathieu en est persuadé. Plus le cheval a envie de participer et mieux il sautera. « Aujourd’hui les parcours sont tellement rapides qu’on ne peut plus sauter dans la contrainte », poursuit-il.  Et de rappeler que 400 mètres à la minute, c’est rapide pour aller sauter 1,60m ! C’est pourquoi, il adopte une position en suspension. « Tous les cavaliers de haut niveau montent principalement en suspension avec le bassin proche du pommeau au-dessus de leurs pieds et du centre de gravité du cheval. On se rapproche plus ou moins de la selle dans les abords. Avec les chronos exigés, il faut serrer les courbes. Pas le temps de se rasseoir ! »  

Mathieu Noirot prend le temps de faire plaisir à son cheval

Le mental du cheval est déterminant. « Établir une vraie complicité, c’est primordial. Il faut qu’il soit avec nous !  C’est au quotidien que cette relation s’établit ». Après une bonne séance, Mathieu prend le temps de faire brouter son cheval. « Ces minutes de plaisir qu’on lui donne rendent le travail plus agréable pour lui ». A force de vivre avec eux, Mathieu sait tout de suite si quelque chose ne va pas. « Il ne mange pas ou il mange moins vite, il reste la tête basse, il gratte avec son antérieur… Chaque cheval a sa façon de montrer son mal être. Il ne faut pas passer à côté ».  Garder en forme une écurie de concours passe par des vétérinaires compétents et de bons maréchaux. Une masseuse vient également à l’écurie et différents intervenants (dentiste, ostéopathe, sellier…). « On a la chance d’avoir des paddocks. Les chevaux sont sortis tous les jours. On travaille dans le calme et le respect ».

Le calme, c’est ce qui frappe aux écuries de la Flouquette. Jamais un cri. Pas de musique. Silence, sérénité et… éclats de rire. « Je suis quelqu’un de calme. Je déteste le bruit. Les chevaux aussi ! Ce sont des animaux de silence ».  

Avant une grosse épreuve, Mathieu se retire dans son camion et fait la sieste. Il parle peu, reste dans sa bulle, prend son temps pour se préparer minutieusement et être prêt au moment fatidique ! Là, on peut compter sur lui pour qu’il donne du mouvement et aille chercher le chrono. Avec son cheval. Jamais contre.

 

Une écurie cinq étoiles 

Situées à Saint Morillon, entourées de vignes (Bordeaux et Graves), les écuries de la Flouquette abritent une quarantaine de boxes avec de nombreux et grands paddocks. La carrière Damman, en microsable fibré, irrigué directement par le sol, assure un terrain parfait en toute saison. Un manège et un rond de longe vont venir compléter l’équipement. Les chevaux sont nourris à l’ancienne (mélange d’orge, d’avoine, de fèveroles et de minéraux). Le club house chauffé attends les cavaliers et leurs accompagnateurs. 

Les écuries de la Flouquette

 

Son parcours

A douze ans, Mathieu Noirot voulait jouer au foot. Mais il choisit le concours grâce à Kiss Me, excellente jument qui deviendra la mère de son futur crack. Il passe un BTS agricole option gestion et valorise les chevaux de l’élevage de son père. En 2012, il vend Phebus du Grasset (Cento) à l’allemande Katharina Offel. Phebus se classe cinquième à Aix-la-Chapelle et est revendu 900 000 euros ! C’est la loi du sport. Mais Mathieu Noirot en profite pour aller travailler avec Otello ( fils de Clinton) dans les écuries de la cavalière. Il y monte les chevaux difficiles, apprend la rigueur et le sens de l’organisation qui lui sera utile pour ouvrir ses propres écuries. Avec son père, il achète une propriété de 28 hectares près de Bordeaux. Là où il n’y a que des broussailles, il voit immédiatement où sera la carrière et les écuries. Après huit mois de travaux, la Flouquette accueille ses premiers propriétaires en 2015. Le succès dépasse ses prévisions. Mais déjà, Mathieu Noirot a d’autres objectifs. A suivre !