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Premier concours avec Diana du Grasset à Lège, le 5 octobre 2018 |
Avec moi, c’est la première fois. Diana du Grasset est encore une novice. Elle n’a peut-être même pas fini de
grandir ! Pourtant, elle a déjà enchaîné quatre ou cinq parcours avec un
professionnel, un pilote qui n’hésite pas, prend les bonnes décisions, n’a pas
d’affect particulier pour elle, enchaîne parcours sur parcours. Mais moi, je l’adore ! Rien qu’à la regarder, je
craque. J’aime tout en elle. Son œil malicieux, sa force, son équilibre, son
sang, sa belle robe alezane et cette façon qu’elle a de mettre sa tête sur mon
épaule. J’aime son caractère affirmé (très affirmé), sa gentillesse, son attention.
En trois mois, un lien particulièrement fort s’est créé. Nous sommes en phase toutes les
deux. Je la comprends et je ne veux
surtout pas lui faire peur, lui faire mal, lui laisser un mauvais
souvenir.
Je doute parfois, je tremble souvent mais je prends un
plaisir intense à voler au-dessus des
obstacles. Je m’éclate à condition
d’être à 100 % en harmonie avec mon cheval. Plus besoin de jambes ni de mains,
je m’amuse et mon cheval aussi. Sinon, à quoi bon ? Je n’ai plus aucun
plaisir.
Bref, l’emmener pour la première fois en concours à
l’extérieur, à Lège plus précisément, là où la piste est belle mais, de l’avis
de tous, regardante pour les jeunes chevaux. C’est un moment très important. Je
suis à la fois fébrile, anxieuse et impatiente. Peur de laisser une mauvaise
impression, ne pas être à la hauteur, de « louper » notre
rendez-vous. Envie de fusionner, désir de faire. Comme en amour !
Préparation minutieuse. Diana entre dans le van sans stress,
elle est bien entraînée. L’épreuve choisie est la plus simple :
préparatoire 1 mètre. Tout s’annonce pour le mieux sauf… qu’au dernier
entraînement, elle refuse obstinément de passer le bidet et je tombe. Foutue
bâche bleue qui lui fait peur et entame
ma confiance! Pourvu qu’elle n’anéantisse pas la sienne ! Elle finit par
la passer une fois, deux fois, trois fois. Elle se relâche. Ouf ! En attendant, j’ai mal au coccyx. Je ne peux
plus m’asseoir ! C’est grave docteur pour monter à cheval ?
Nous arrivons sur les lieux du concours la veille par un soleil radieux. Diana et
Papete, sa compagne ont très bien voyagé. Mais Diana n’apprécie guère le box
démontable dans lequel elle est logée. Ma princesse a l’habitude d’avoir ses aises,
de l’espace et une vue transversale sur les écuries et sur les prés. Là, une
grille l’empêche de passer la tête au dehors. C’est agaçant !
Heureusement, elle peut renifler sa copine entre les parois. La paille et le foin parviennent à l’occuper
un moment. Une longue promenade à pied s’impose avant le repas du soir. Je lui
montre les installations, la carrière, la cabane du jury… On se balade parmi
les camions qui se garent, les chiens qui gambadent, les tentes qui se
montent. Curieuse, Diana regarde tout et
ne craint rien. Une vraie jument de concours !
La journée est longue le vendredi car notre épreuve n’est
qu’à 18h. Diana s’agite dans son box. Balade- foin- balade. Enfin, c’est
l’heure de la reconnaissance. Le parcours est parfait pour nous. Facile et
galopant. Mon coach Mathieu Noirot me rassure. « Tu ne penses qu’à garder la même cadence et aller droit, bien
au milieu de chaque obstacle. Le bidet ? Te prends pas le chou. Elle ne va
pas le regarder ! Mais n’oublie pas. C’est toi qui décides de l’appel. Il
vaut mieux prendre une mauvaise décision que l’abandonner ».
OK, ok, je ne me prends pas le chou. Facile à dire ! Pierre, mon mari, me fait une petite séance de préparation
mentale avant de partir. Je suis sereine.
Pas Diana qui trépigne sur place comme une furie. J’entre
dans le paddock de détente qui me semble vraiment minuscule. Et bourré de
chevaux dans tous les sens ! Diana danse et je n’arrive pas à
l’immobiliser quelques secondes pour me présenter au chef de paddock. Tant-pis,
je me présenterai dans un tour ou deux. Là, je sens le dos qui se tend, une
onde de choc parcourt Diana. Elle n’a qu’une envie : lâcher les gaz et partir en pétarades. Elle me chahute et je
commence à blêmir. Je me demande ce que je fais là. Je l’avoue, j’ai envie de
descendre. J’hésite à décrocher mon airbag. Passer l’éponge et aller
tranquillement boire un chocolat à la buvette. Mais si j’abandonne, là,
maintenant, après les premières espiègleries, c’est foutu. Elle saura qu’elle
peut se jouer de moi. Comme un enfant qui n’en fait qu’à sa tête ! Sa
tête, justement. Il faut que je lui mette la tête en bas pour faire baisser la
pression mais sans lui donner trop de contact.
Bon, je suis toujours dessus. Je fais un cercle. Galope
Diana. Galope, tu en as besoin. J’attrape un peu de crinière pour ne surtout
pas toucher à sa bouche hypersensible, je me mets en suspension et je galope.
Bien, elle n’a pas peur des autres. Bien, elle commence à se cadencer. Bien,
elle se connecte. Ouf, je peux aller sauter.
Mathieu Noirot me demande de galoper dans ma courbe et
d’attendre, de la faire répéter jusqu’à la dernière foulée. Cela nous met en
confiance. Allez, un dernier vertical
avant d’entrer en piste. Diana saute divinement bien.
Nous sommes prêtes. Je répète une dernière fois mon parcours
dans ma tête et… c’est parti ! Diana touche le premier obstacle. Je la
tiens trop ! « Laisse la
s’exprimer. Rallonge tes
rênes ! » me chuchote une petite voix intérieure. Je lui donne 5
ou 10 centimètres de rênes en plus, je galope. Le parcours se déroule comme
dans un rêve ! Tous les abords sont bons, les sauts harmonieux, les
tournants équilibrés. Je suis toujours bien à ma place, en équilibre sur mes
pieds, j’exulte ! Diana ne regarde
même pas le bidet. Merci ma belle, chapeau ma princesse.