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lundi 13 mars 2017

Les chevaux sont-ils intelligents?

La prochaine émission de Monchevalmedit sur Radio Cap Ferret, mercredi 15 mars à 17h aura pour thème l'intelligence des chevaux avec Catherine Senn (voir post demain).  C'est l'occasion de lire un extrait du livre de Maria Franchini "De l'intelligence des chevaux" (éditions Zulma) et de ressortir l'interview que j'avais réalisé au moment de sa sortie.



-      Pourquoi avoir écrit un livre sur l’intelligence des chevaux?
-      J’ai toujours pensé que les chevaux étaient dotés d’une vie mentale riche. Pourtant, trop de cavaliers considèrent que leurs chevaux ne sont pas intelligents. Je m’élève contre cette idée reçue en m’appuyant sur les connaissances d’éthologues réputés mais aussi sur des travaux et publications allemandes qui sont tombées dans l’oubli.
Les chevaux ont des capacités que nous ne soupçonnons pas!
-      Quels sont ces travaux ?
-      Il s’agit des recherches menées de 1912 à 1914 par Karl Krall, un riche bijoutier qui a cherché à pousser plus en avant les expériences menées au début du XXe siècle par Wilhem Von Osten sur Clever Hans. Cet étalon savait compter en frappant des coups de sabots. Il était capable de lire et de distinguer des accords de musique harmonieux d’accords dissonants. Devenu une véritable légende, il a provoqué un tollé dans le monde de la science. Le gouvernement allemand a même dû s’en mêler en nommant une première commission d’experts. Celle-ci a certifié l’absence de trucs sans pour autant expliquer le phénomène. Mais une deuxième commission a démontré que le cheval répondait à des signes involontaires transmis par ses interrogateurs. On a classé l’affaire sans plus de recherches ! Saturé par tous ces exercices, Clever Hans n’a plus voulu travailler et a fini sa vie dans un pré. Von Osten est mort dans la solitude à l’âge de 71 ans.
-      C’est là qu’intervient Karl Krall ?
-      Dès le départ, ce bijoutier a réfuté la thèse des signes involontaires. En effet, Hans donnait les bonnes réponses dans l’obscurité totale ou avec des œillères ne lui permettant de voir que le tableau noir et les objets sur lesquels il était questionné. N’arrivant pas à se faire entendre, le bijoutier décide alors de continuer les recherches de Von Osten. Il achète deux étalons arabes, un étalon aveugle et anosmique (privé d’odorat), un shetland et deux autres chevaux « étudiants ». Il parvient à des résultats étonnants qu’il raconte dans son livre « Les chevaux pensants ».
-      Comment ce livre est-il accueilli ?
-      Très mal ! On accuse Karl Krall de supercherie, de télépathie. On va jusqu’à croire qu’il a placé des fils électriques sous le pavé de la cour lui permettant de communiquer avec les chevaux. Des manifestants campent devant chez lui ! Personne à l’époque ne veut s’encombrer d’animaux pensants ! Hélas, la Grande Guerre met fin à ce débat. Les chevaux sont réquisitionnés et nul ne sait ce qu’ils sont devenus.
-      Restent les témoignages !
-      En effet, des centaines de visiteurs ont été reçus par Karl Krall : des scientifiques et des hommes de lettres qui ont laissé des témoignages écrits de leur visite. Il en ressort qu’au bout de trois ans d’exercices divers, les chevaux font des calculs relativement difficiles, distinguent les couleurs, les objets, les personnes, savent lire des mots et des phrases courtes. Zarif, le plus doué, extrait des racines carrées et même cubiques ; Quand il ne comprend pas une question, il peut répondre en formant, lettre après lettre, le mot  « Expliquez ». Ce cheval parvient à saisir le mécanisme de l’alphabet. En entendant un son, il peut le transformer en signe. Mieux encore, ils transforment un signe écrit au tableau en une idée !
-      Ces témoignages bouleversent toutes nos notions sur le psychisme des animaux ?
-      D’autant, que cette fois, toute accusation de supercherie est écartée. Krall se tient derrière ses élèves qui ne peuvent pas le voir et se prête à tous les contrôles qu’on lui demande. Et l’on note que, parfois les chevaux se trompent. Leurs capacités semblent meilleures quand les visiteurs leur sont sympathiques.
Hans savait calculer, lire, résoudre des petits problèmes, distinguer les accords harmonieux  en musique... 

-      Pourquoi toutes ces recherches sont-elles tombées dans l’oubli ?
-      D’abord parce qu’elles venaient d’Allemagne, pays qu’on a mis au ban de la société après la guerre ; En plus, on ne dispose pas de traductions. Les scientifiques se sont arrêtés aux expériences de Clever Hans. Et puis, elles ennuient tout le monde. Si le cheval est intelligent, pourra-t-on l’utiliser voire l’exploiter comme on le fait ? Enfin, qui va financer des recherches sur le sujet ? Il faudrait de gros moyens et beaucoup d’acharnement.
-      N’est-ce pas réducteur de vouloir transposer notre intelligence aux chevaux ? N’ont-ils pas une autre forme d’intelligence ?
-      Bien évidemment ! On peut regretter que Karl Krall ait voulu démontrer que les animaux sont intelligents parce qu’ils savent faire ce que l’homme fait : calcul, musique… Dommage qu’il n’ait pas cherché à laisser les chevaux s’exprimer plus librement pour découvrir ce qu’ils avaient à nous dire.
-      Quelle leçon en tirer dans nos rapports avec les chevaux ?
-      J’espère qu’en prenant conscience de la richesse mentale et émotionnelle des chevaux, les cavaliers s’intéressent de plus près à leurs conditions de vie et à la façon de les monter. Le bien-être de l’animal passe par la connaissance. Ces expériences mettent également en valeur l’importance du lien affectif. Krall entourait ses élèves d’affection. Et ces derniers étaient bien plus performants quand la personne qui les interrogeait était souriante et agréable. De quoi nous faire réfléchir !



A lire également:
 "Hans, le cheval qui savait compter" de Vinciane Despret. Editions Les empêcheurs de penser en rond.
"L'esprit du cheval" de Michel-Antoine Leblanc. Editions Belin




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