- Pourquoi avoir écrit un
livre sur l’intelligence des chevaux?
- J’ai toujours pensé que les
chevaux étaient dotés d’une vie mentale riche. Pourtant, trop de cavaliers
considèrent que leurs chevaux ne sont pas intelligents. Je m’élève contre cette
idée reçue en m’appuyant sur les connaissances d’éthologues réputés mais aussi sur
des travaux et publications allemandes qui sont tombées dans l’oubli.
- Il s’agit des recherches
menées de 1912 à 1914 par Karl Krall, un riche bijoutier qui a cherché à
pousser plus en avant les expériences menées au début du XXe siècle par Wilhem
Von Osten sur Clever Hans. Cet étalon savait compter en frappant des coups de
sabots. Il était capable de lire et de distinguer des accords de musique
harmonieux d’accords dissonants. Devenu une véritable légende, il a provoqué un
tollé dans le monde de la science. Le gouvernement allemand a même dû s’en
mêler en nommant une première commission d’experts. Celle-ci a certifié
l’absence de trucs sans pour autant expliquer le phénomène. Mais une deuxième
commission a démontré que le cheval répondait à des signes involontaires
transmis par ses interrogateurs. On a classé l’affaire sans plus de
recherches ! Saturé par tous ces exercices, Clever Hans n’a plus voulu
travailler et a fini sa vie dans un pré. Von
Osten est mort dans la solitude à l’âge de 71 ans.
- C’est là qu’intervient Karl
Krall ?
- Dès le départ, ce bijoutier
a réfuté la thèse des signes involontaires. En effet, Hans donnait les bonnes
réponses dans l’obscurité totale ou avec des œillères ne lui permettant de voir
que le tableau noir et les objets sur lesquels il était questionné. N’arrivant
pas à se faire entendre, le bijoutier décide alors de continuer les recherches
de Von Osten. Il achète deux étalons arabes, un étalon aveugle et anosmique
(privé d’odorat), un shetland et deux autres chevaux « étudiants ».
Il parvient à des résultats étonnants qu’il raconte dans son livre « Les
chevaux pensants ».
- Comment ce livre est-il
accueilli ?
- Très mal ! On accuse
Karl Krall de supercherie, de télépathie. On va jusqu’à croire qu’il a placé des
fils électriques sous le pavé de la cour lui permettant de communiquer avec les
chevaux. Des manifestants campent devant chez lui ! Personne à l’époque ne
veut s’encombrer d’animaux pensants ! Hélas, la Grande Guerre met fin à ce
débat. Les chevaux sont réquisitionnés et nul ne sait ce qu’ils sont devenus.
- Restent les
témoignages !
- En effet, des centaines de
visiteurs ont été reçus par Karl Krall : des scientifiques et des hommes
de lettres qui ont laissé des témoignages écrits de leur visite. Il en ressort
qu’au bout de trois ans d’exercices divers, les chevaux font des calculs
relativement difficiles, distinguent les couleurs, les objets, les personnes,
savent lire des mots et des phrases courtes. Zarif, le plus doué, extrait des
racines carrées et même cubiques ; Quand il ne comprend pas une question,
il peut répondre en formant, lettre après lettre, le mot « Expliquez ». Ce cheval parvient à
saisir le mécanisme de l’alphabet. En entendant un son, il peut le transformer
en signe. Mieux encore, ils transforment un signe écrit au tableau en une
idée !
- Ces témoignages bouleversent
toutes nos notions sur le psychisme des animaux ?
- D’autant, que cette fois,
toute accusation de supercherie est écartée. Krall se tient derrière ses élèves
qui ne peuvent pas le voir et se prête à tous les contrôles qu’on lui demande.
Et l’on note que, parfois les chevaux se trompent. Leurs capacités semblent
meilleures quand les visiteurs leur sont sympathiques.
![]() |
Hans savait calculer, lire, résoudre des petits problèmes, distinguer les accords harmonieux en musique... |
- Pourquoi toutes ces
recherches sont-elles tombées dans l’oubli ?
- D’abord parce qu’elles
venaient d’Allemagne, pays qu’on a mis au ban de la société après la
guerre ; En plus, on ne dispose pas de traductions. Les scientifiques se
sont arrêtés aux expériences de Clever Hans. Et puis, elles ennuient tout le
monde. Si le cheval est intelligent, pourra-t-on l’utiliser voire l’exploiter
comme on le fait ? Enfin, qui va financer des recherches sur le
sujet ? Il faudrait de gros moyens et beaucoup d’acharnement.
- N’est-ce pas réducteur de
vouloir transposer notre intelligence aux chevaux ? N’ont-ils pas une
autre forme d’intelligence ?
- Bien évidemment ! On
peut regretter que Karl Krall ait voulu démontrer que les animaux sont
intelligents parce qu’ils savent faire ce que l’homme fait : calcul,
musique… Dommage qu’il n’ait pas cherché à laisser les chevaux s’exprimer plus
librement pour découvrir ce qu’ils avaient à nous dire.
- Quelle leçon en tirer dans
nos rapports avec les chevaux ?
- J’espère qu’en prenant
conscience de la richesse mentale et émotionnelle des chevaux, les cavaliers
s’intéressent de plus près à leurs conditions de vie et à la façon de les
monter. Le bien-être de l’animal passe par la connaissance. Ces expériences
mettent également en valeur l’importance du lien affectif. Krall entourait ses
élèves d’affection. Et ces derniers étaient bien plus performants quand la
personne qui les interrogeait était souriante et agréable. De quoi nous faire
réfléchir !
A lire également:
"Hans, le cheval qui savait compter" de Vinciane Despret. Editions Les empêcheurs de penser en rond.
"L'esprit du cheval" de Michel-Antoine Leblanc. Editions Belin
"Hans, le cheval qui savait compter" de Vinciane Despret. Editions Les empêcheurs de penser en rond.
"L'esprit du cheval" de Michel-Antoine Leblanc. Editions Belin
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