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dimanche 18 décembre 2016

Jérôme Garcin : l'équitation était une guerre, elle devient une fête

        Voilà le texte de Jérôme Garcin  que j'ai lu mercredi dernier, dans Monchevalmedit sur Radio Cap Ferret 97.9 

Tous les mercredis vers 17h55, Antoinette Delylle lit un texte ou une histoire
                         "C’était ça, les chevaux, dans mon enfance : une force tellurique, une colère céleste et la perpétuelle menace d’un invisible danger. J’étais petit, et ils me semblaient si grands, avec des yeux exorbités et une bouche qui bavait tantôt blanc, tantôt vert. J’étais fasciné et apeuré à la fois.
   Au milieu des années soixante, en Basse-Normandie, mon père voulait me faire partager sa nouvelle passion. Editeur, il avait découvert l’équitation après la mort accidentelle de mon frère jumeau, voulait un sport qui lui permît  de brûler sa souffrance et d’épuiser sa révolte. J’avais 10 ans quand je l’accompagnais voir des cross  hallucinants où les cavaliers sautaient des trakehnens phénoménaux et faisaient des chutes dont, parfois, ils ne se relevaient pas. Les chevaux de mon enfance étaient des animaux géants montés par des têtes brûlées sur des terrains vagues. 
   A 17 ans, j’eus la preuve que mes appréhensions étaient fondées. En 1973, mon père fit une chute mortelle dans la forêt de Rambouillet. Un trotteur, qu’on surnommait « le tueur », prit la jeune vie d’un homme de quarante-cinq ans. Il m’a fallu un temps infini pour aimer un animal que j’avais tant haï. J’ai raconté dans des livres le cheminement qui a favorisé ma métamorphose. Mais si le gamin paniqué est devenu un adulte émerveillé, c’est aussi que, en quarante ans, tout a changé. Autrefois, les chevaux étaient montés dans la hargne et pour la gagne par des athlètes sanguins. Aujourd’hui, c’est le règne de la grâce et de l’apparente facilité. Les grands cavaliers d’obstacle étaient des cow-boys, ils sont devenus des artistes maigres, qui travaillent dans la légèreté, ont la main fixe, la jambe caressante, l’assiette profonde, et tournent sur eux-mêmes avec une souplesse de truite sauvage. Voyez le génial Markus Ehning, et sa fausse insouciance de jeune roi paresseux. Même les femmes, qui sont l’avenir du cheval, disputent les podiums aux hommes. 
  
Le style parfait de Marcus Ehning 
Les concours d’autrefois ressemblaient à des champs de bataille.  Aujourd’hui, les chevaux rebondissent sur le sol élastique en Toubin-Clément, qui donne à entendre la petite musique mozartienne du galop rassemblé. On assiste à un spectacle vivant, régi par les lois du théâtre, dont les acteurs nomades, héritiers de Molière et de François Baucher, montent avec assez de délicatesse pour rendre au cheval la gaieté et la liberté dont il abuse au pré. On est à la fête. Ah, si mon père voyait ça".
Jérôme Garcin

Jérôme Garcin et son superbe Anton

Auteur de nombreux ouvrages dont « La chute de cheval » paru en 1998, Jérôme Garcin est responsable des pages culturelles de l' Observateur et animateur du « Masque et la plume » sur Inter.

L'allemand Marcus Ehning est l'un des meilleurs cavaliers de CSO du monde et sans doute de l'histoire.  Lien pour le site de Marcus Ehning

      

  
              


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