Ivre de douleur, Ajayeb s'est enfuie sur son membre disloqué. Elle n'a même pas eu le réflexe de s'arrêter. Cette pur-sang arabe de quinze ans savait qu'elle devait toujours et à tout prix garder le rythme. Ne jamais ralentir. Aller toujours plus vite. Tout donner. Même avec une fracture ouverte du canon, elle poursuivit sa course folle. Une machine, voilà ce qu'elle était devenue. Juste un numéro. Le 17.
Arrivée au point d'assistance n°2 de la quatrième boucle, elle n'a même pas pu éviter les bouteilles d'eau qui jonchaient le sol. Son antérieur droit a marché dessus, la bouteille s'est aplatit, 17 a continué. Là, les témoins ont vu qu'un morceau d'os sortait de son canon. Ils ont vu que le pied ne tenait plus que par la peau et les os. Les témoins ont été renvoyés. "No camera, no photo" ont dit les organisateurs. En une minute, l'assistance du 17 a sorti d'un sac poubelle une bâche pour cacher le cheval. No camera, no photo pour Ajayeb.
Aux championnats d'endurance qui viennent de se disputer à Samorin, en Slovaquie, Ajayeb était en tête de la course. Montée par le Sheick Rashid Dalmook al Maktoum, elle menait un train d'enfer (23 km/h) selon la stratégie d'épuisement érigée en règle par les Emirats Arabes Unis. C'est simple: on fonce, ça passe ou ça casse. Résultat: sur 134 partants, seulement 47 ont terminé. Les trois premiers risquent d'être éliminés pour boiterie et pour dopage. Saluons au passage les français qui prennent la deuxième place par équipe derrière l'Espagne.
Fille de Tidjani et de Gharam par Dynamite III, Ajayeb avait été vendue par l'Espagne après sa médaille d'or sous la selle de Jaume Punti Dacho en 2015. Depuis, elle avait changé dix fois de cavaliers. Pourtant, l'endurance est un sport de couple. Un sport dans lequel le cavalier doit parfaitement connaître son cheval. Mais peut-on encore qualifier de sport ce business où l'on ne parle que de magouilles, changement de tentes, erreur de chronométrage, vétérinaires qui ne font pas leur travail, corruption...
A Samorin, les aires de grooming ont été tirées au sort pour chaque équipe. Mais celle des EAU (Émirats Arabes Unis) ne leur convenant pas, ils ont changé avec celle des italiens sans que les juges n'y trouvent à redire. D'après les témoignages, Ajayeb n'aurait jamais dû prendre le départ de la boucle où elle a eu sa fracture. Elle n'était pas "carrée" au contrôle. Quant au gagnant (EAU lui aussi), il était franchement boiteux si l'on regarde la vidéo de son trotting de contrôle.
L'an passé, la fédération émiratie a été sanctionnée par la fédération équestre internationale (FEI). On ne peut pas dire qu'elle en ait tiré la leçon. Que fera la FEI cette année? On attend des sanctions exemplaires, des interdictions de participer à toute compétition à vie pour les cavaliers irrespectueux, une véritable enquête sur les vet-gates et aussi des excuses. Oui, des excuses des Émirats, des excuses des organisateurs. C'est le moins qu'ils puissent faire en hommage à Ajayeb, à tous les autres chevaux et aux cavaliers qui souhaitent continuer à pratiquer un vrai sport avec de vraies valeurs.
Quant à Samorin, espérons qu'elle ne sera pas retenue pour organiser les championnats de 2018 ou, au moins qu'elle ne donne des gages d'irréprochabilité.
Vidéo qui permet de voir l'état du cheval arrivé premier, le 71
Lire l
'article de la journaliste anglaise Pipa Cuckson
Lien pour lire
l'article de l'Eperon
Lien pour l'hommage paru dans le
blog horse connect
Lien pour le sondage proposé par
Grand Prix Replay à propos des sanctions