Il fait trop chaud pour monter. Pas question de fatiguer Mistria! Mieux vaut lui offrir une bonne douche suivie d' une petite balade à l'ombre. Ma jument a compris le programme, elle avance d'un bon pas cherchant les meilleurs endroits pour se régaler d'herbes tendres. Trois poulains guettent notre passage derrière un lit de fougères. Le trio nous examine avec beaucoup d'intérêt. Mistria est partagée. Elle a envie de les regarder et d'engager la conversation. En même temps, elle se passionne pour la flore sauvage! Quand il faut partir, elle me lance un "regard noir". Elle serait bien restée un peu plus longtemps...
"Quand je suis à cheval, je n'ai pas l'impression d'être miraud!" D'entrée de jeu, Patrick Moutomé annonce la couleur. Il va "calme, en avant et droit", se conformant dans la vie comme à cheval à la devise du général Lhotte.
Pourtant son chemin n'a pas été facile. Dans une première vie, Patrick Moutomé était cascadeur. "J'ai travaillé pour Mario Luraschi, puis, j'ai monté ma propre équipe. J'ai eu un accident en préparant une cascade dans un parc de loisirs. Un canon a explosé. J'étais devant. Les yeux et les poumons ont été les plus touchés".
Réanimation- Opérations- Rééducation- Patrick se retrouve non voyant pendant un an, puis il retrouve l'usage d'un oeil et remonte une équipe de cascadeurs. Mais à la fin des années 90, il reperd totalement la vue. "J'ai vendu mon centre équestre. J'étais persuadé que je ne pourrai plus jamais approcher un cheval".
Un ami le pousse à remonter et Patrick part en Espagne choisir un cheval. "Je suis tombé sur un cheval noir intouchable et hystérique. Lido vivait attaché à une chaîne au fond du garage d'un ferrailleur. Je l'ai acheté pour le sortir de là". Deux autres poulains viennent compléter sa cavalerie. "Au début, il m'a fallu beaucoup d'humilité, d'abnégation et de courage. J'ai dû encaisser de nombreuses déceptions pour pouvoir poursuivre".
Patrick Moutomé s'accroche. Il trouve ses repères sonores: deux radios posées à chaque bout d'une diagonale, l'une diffusant France Inter, l'autre France Musique. Un ami, Jean-Pierre Reuter, vient le faire travailler exigeant toujours plus de précision. Les chevaux font le reste. "Ils se comportent comme avec un cavalier normal. Ils me renvoient les informations. Quand je ne suis pas juste, je le sais tout de suite".
"Ce qui m'intéresse, c'est l'échange!" dit Patrick Moutomé
Lido est devenu un cheval fin mais confiant. Il se montre parfois émotif mais la pression redescend immédiatement et il se remet sagement à sa place. "Notre relation est très belle. Si je descend par exemple et que je reste au milieu de la carrière sans bouger, il m'attend. Puis, il me suit partout."
Patrick Moutomé a développé une équitation de contact. "Je touche beaucoup me chevaux. Pour le pansage, je ne les attache pas. Une main brosse, l'autre touche. Quand je monte, ma main les rassure. Ils la recherchent. Elle me sert aussi à évaluer mon travail. Lorsque je demande un étirement de l'encolure par exemple, ma main me permet de savoir si l'encolure est à la bonne hauteur et qu'elle sort bien du garrot".
Patrick ne se contente pas de monter. Il éduque, il dresse. Une équitation de contact toute en finesse et en justesse que nous révèle le film ci-dessous.
Ils n'ont que deux ans mais déjà ils sont 100% connectés avec Iseulys Desle. Ils se couchent, valsent, saluent... avec une volonté de bien faire jubilatoire. Artiste voltigeuse, Iseulys Desle a participé au spectacle Cavalia pendant deux ans, du Mexique au Canada en passant par les États-Unis. Puis, elle a complété sa formation chez Luis Valenciana au Portugal. "Mes parents m'ont offert une semaine de stage pour mon anniversaire. J'y suis restée dix mois". Elle est maintenant installée en Belgique où elle donne des cours et propose des spectacles. "J'ai acheté mes quatre poulains cremollos sous la mère, raconte-t-elle. J'ai commencé à les éduquer à l'âge de six mois. J'ai fait des kilomètres de marche avec eux toujours dans le même ordre. Je les travaille également un par un. Enfin, ce n'est pas un travail pour eux mais un jeu. Ils adorent!"
A deux ans, ils connaissent déjà quelques tours
La jeune femme n'utilise pas la sacro sainte carotte. "Je les récompense à la voix et à la caresse. Cela marche beaucoup mieux! Ils travaillent par envie pas pour une friandise".
Chaque cheval a son caractère, ses jours, ses idées. "Dasman est toujours à sa place, tranquille. C'est l'élève modèle qui me sert de repère. Dandy cherche toujours à faire des bêtise. Il n'en loupe pas une! Doreo est très joueur. C'est un filou qui fait tout en douce! Quant à Dimencelo, je l'appelle le vieux jeune homme car il déteste changer ses habitudes".
Iseulys monte un cinquième cremollo, Legendario, sept ans et prépare également son shetland Frimeur. A vingt et un ans, la jeune femme s'inspire du travail de Lorenzo qu'elle admire plus que tout mais qu'elle ne veut surtout pas imiter. Pourtant, comme Lorenzo, elle est très calme, patiente et elle prend le temps. Une artiste à suivre.
Une équipe très décontractée
Elle fait aussi du dressage, de la haute école avec son entier espagnol