Monsieur le président,
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Si les chevaux pouvaient crier... |
Comme beaucoup de cavaliers et de défenseurs des animaux, je suis très déçue. Vous qui avez l'habitude d'ouvrir des débats, nommer des commissions, commander des rapports... vous ne voulez pas vous pencher sur le statut de l'animal. L'animal ne serait pas, selon vous, un sujet de société. C'est du moins ce que vous avez déclaré au magazine "La France Agricole" à la veille de l'ouverture du Salon de l'Agriculture. Sauf votre respect, force est de constater que vous vous réfugiez dans l'ignorance.
C'est vrai, les animaux ne votent pas. Quand ils souffrent, c'est en silence. Et l'on préfère les avoir dans notre assiette que sur notre conscience! Bien-sûr les éleveurs les soignent (et ils votent). Les aiment-ils, comme vous l'affirmez? Certains, oui certainement. Mais pas ceux qui les élèvent en batterie ou dans des hangars surpeuplés et obscurs (voir certains élevages de porcs en Bretagne). Quant aux éleveurs de chevaux, si on ne peut pas comparer le beau haras normand et l'infâme terrain vague, il faut reconnaître que les deux existent.
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L'équarissage et son coût : un problème digne d'être débattu |
Vous dites que les lois existent. Mais sont-elles appliquées? Quand un cheval est maltraité, quand il meurt de faim, que se passe-t-il? Il faut des semaines, des mois, des années, pour que les autorités interviennent. Bien souvent, il est trop tard. De plus, quand les chevaux sont saisis, les associations qui les receuillent n'en sont pas pour autant propriétaires. Elles retapent le cheval, paient le vétérinaire, les soins, la rééducation... parfois pendant plusieurs mois. Puis, c'est au juge de décider et il arrive que le cheval soit rendu à son propriétaire.
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Tous les éleveurs n'ont pas la même éthique ni les mêmes moyens |
Enfin, vous promettez de veiller à faire respecter des conditions d'abattage qui ne fassent pas souffrir l'animal. Sans doute n'avez-vous jamais regardé un reportage sur les abattoirs ni entendu parlé de l'abbatage rituel. Sans doute pensez-vous que les quelques fonctionnaires chargés de surveiller les conditions d'abattage sont suffisants. Et je ne vous parle pas des conditions de transport des animaux qui sont entassés dans des bétaillères pendant des heures. Il suffit d'ouvrir les yeux sur les routes de notre beau pays. Quant aux chevaux, lorsque l'on connait leur hyper sensibilité, on imagine ce qu'ils doivent endurer juste avant l'abattage.
Notre code civil date de 1804. Il prévoit deux régimes juridiques : l'un pour les personnes, l'autre pour les meubles incluant les animaux qui sont considérés comme des meubles. Les défenseurs des animaux rêvent d'une troisième catégorie pour les animaux qui les distingueraient des personnes et des biens pour les considérer comme des êtres vivants et sensibles.
D
epuis 1804, les recherches scientifiques ont évolué.
Biologiste, neurobiologiste et éthologue, Yves Christen montre combien les animaux sont de véritables personnes ayant une individualité propre et une richesse intérieure. Non, ils ne sont pas des meubles!
"Soyez
en sûrs : ce que l’on sait, ce que l’on commence à peine à découvrir aujourd’hui,
n’est qu’une facette de leur vie intellectuelle et émotionnelle, quelque chose
comme la partie visible d’un iceberg. Un grand bouleversement se prépare. Peut-être une véritable révolution dans
notre compréhension de ces autres vivants. Celle-ci nous entraîne très loin.
Jusqu’à comprendre que les animaux se représentent le monde de façon originale.
C’est la raison pour laquelle, après les avoir présentés comme des personnes,
je les vois aujourd’hui comme des philosophes, porteurs de représentations du
monde riches et variées. Je considère en définitive la question animale comme
la grande question de notre temps. Elle se pose sur le terrain de l’éthique, de
la science et même, vous le voyez, de la pensée philosophique.
Souvent,
je me remémore ces phrases du philosophe Alain : « il n’est point
permis de supposer l’esprit dans les bêtes, car cette pensée n’a point d’issue.
Tout l’ordre serait aussitôt menacé si l’on laissait croire que le petit veau
aime sa mère, ou qu’il craint la mort, ou seulement qu’il voit l’homme. L’œil
animal n’est pas un œil. L’œil esclave non plus n’est pas un œil, et le tyran
n’aime pas le voir. » Acceptons de voir enfin cet œil. Celui du cheval.
Celui des autres bêtes aussi. Car nous ne pouvons plus, en conscience, trouver
refuge dans la simple ignorance…"
Voir le
texte de la Fondation 30 millions d'amis et sa
pétition pour un changement de statut de l'animal.
Le manifeste de 24 intellectuels
Mon post sur l'animal "bien meuble"