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"J'ai alors compris que l'Art Equestre était comparable à la musique et à la danse: il s'évanouissait en s'accomplissant" Michel Henriquet |
Michel Henriquet était un grand maître, un écuyer hors pair, un ami. Il m'a ouvert les portes d'un univers vertigineux : celui de l'art équestre. Avant de le rencontrer, je voyais l'équitation comme un sport, une passion. Il m'a montré que c'était une discipline terriblement exigeante, une voie vers l'art. Ma première rencontre avec lui m'a laissée une très forte impression.
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Des récompenses plein les poches |
J'étais venue en voisine lui demander si je pouvais prendre quelques cours avec ma jument Quench. Il me donna rendez-vous la semaine suivante. Je traversais la forêt de Marly-le-Roi à cheval et arrivais toute crottée dans un manège hors du temps, baigné de musique classique et décoré de gravures représentant François Robinchon de la Guérinière. Dans une atmosphère quasi religieuse, officiait un homme très mince au regard curieux et pétillant, portant un grand manteau portugais recouvert d'une cape sur les épaules. Il était suivi d'un doberman qui, une fois les leçons données, investissait le manège pour courir derrière son renard, le renard de Michel. Le renard parvenait toujours à embrouiller le chien et à le surprendre par derrière. C'était très drôle! J'appris plus tard que Michel ne dressait pas que les chevaux. Il avait eu plusieurs panthères avant de recueillir et d'apprivoiser maître Goupil.
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L'obsession de la position parfaite, avec une jeune élève |
Du sucre plein les poches, une badine de noisetier dans une main, il aimait flatter les chevaux mais n'avait pas l'air commode, corrigeant inlassablement la jolie cavalière qui faisait danser un lusitanien ronflant et impétueux. C'était Catherine, son élève, sa future femme, une princesse aussi douée qu'appliquée. Elle se mit au passage et j'eus un choc. C'était un pur moment de grâce.
Je n'avais plus qu'une idée en tête : lui ressembler, danser comme elle avec mon cheval!
Je me plongeais dans la lecture de grands maîtres, lisais la correspondance de Michel et de Nuno Oliveira, allongeais mes étrier, déverrouillais mon bassin et répétais inlassablement les exercices au pas surtout, au trot un peu et parfois, quel honneur, au galop.
Et inlassablement, Michel Henriquet me corrigeait : le pli, mes épaules, mon dos, la cadence. Et il me répétait 100 fois la même chose. Et j'oubliais. Et il répétait. Parfois, il criait. Ce n'est que des années plus tard que j'ai vraiment compris ce qu'il voulait me transmettre.
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Le goût de transmettre. |
J'ai enfin ressenti l'impérieuse nécessité du cercle parfait, le poids de quelques grammes dans les mains et j'ai pris plaisir à refaire les exercices de base, la basse école comme il disait.
Catherine et Michel m'ont fait le plus beau cadeau équestre de ma vie. En 1992, j'ai pu monter Orphée, la jument olympique de Catherine et j'ai déroulé la reprise du Grand Prix!
J'ai évolué vers le saut d'obstacles mais je suis restée leur amie. J'ai lu tous les livres de Michel et j'ai particulièrement adoré "La sagesse de l'écuyer". Comme lui, j'ai eu un doberman, puis un Rhodesian Ridgeback. Je suis les résultats de Catherine en compétition et je viens la voir monter de temps en temps à Autouillet, près de Thoiry.
Catherine porte haut l'art défendu par Michel Henriquet. Façonnée par le grand maître, elle est la meilleure ambassadrice de cette équitation pleine de grâce et de légèreté.
Le grand maître et l'ami nous ont quittés mais il reste dans nos rênes et dans nos coeurs.
Ces photos ont été prises par Thierry Ségard en janvier 2013 pour illustrer notre livre "J'entraîne mon cheval". Michel Henriquet avait 89 ans.
Lien pour
le site de Michel et Catherine Henriquet